Graffiti > langue de Pub?

L’ART URBAIN, LANGAGE DES MARQUES 

Mémoire de la vie quotidienne des humains depuis l’Antiquité, les graffitis ont toujours été un moyen d’expression, ludique, événementielle, revendicatrice, dénonciatrice, contestataire…

Le graffiti contemporain naît dans les rues de New York à la fin des années soixante. Il s’agit alors d’œuvres traitant d’un thème nouveau, utilisant une technique (marqueur et bombe aerosol) et un support urbain:  il est à son origine indissociable du contexte social des Etats-Unis des années soixante qui excluaient les minorités. Après les murs, le graffiti explose à l’intérieur des métros, puis sur toute les surfaces extérieures. Crash (graffiteur des années 80) affirme en 1982 «Les œuvres d’aucun artiste ne sont vues par autant de gens en une seule journée»!

Avec Lee, qui recouvre des trains entiers, on passe du «whole car piece» au «whole train piece». L’art du graffiti atteint enfin sa maturité. A la fin des années 70, certains galéristes s’intéressent aux graffitis comme Stefan Eins qui ouvre «Fashion Moda» dans le Bronx. Avec le livre de photos de Martha Cooper et Henry Chalfant «Subway Art», le graffiti entre définitivement dans la postérité. Il intègre définitivement les petits papiers des marchands d’art avec Jean Michel Basquiat qui écrit des poèmes à clé dans les rues et Keith Harring qui dessine dans le métro et sur les panneaux publicitaires.

En 50 ans, le graffiti a évolué d’une façon spectaculaire pour s’inscrire dans un mouvement artistique contemporain plus large: le Street-art ou l’Art urbain (toutes formes d’art réalisé dans la rue ou dans des endroits publiques et englobe diverses méthodes telles que le graffiti, le graffiti au pochoir, les stickers, les posters, la projection vidéo, les installations de lumière…). Aujourd’hui les artistes sont convié par les villes pour peindre et animer murs, façades, places ou faire la promotion d’un événement, etc. et des lieux sont devenus mythique comme le fameux mur de Houston Street, à New York (le premier à avoir peint à cet endroit étant Keith Haring, voilà une trentaine d’années. Récupéré depuis par le regretté Tony Goldman, entrepreneur et mécène pour nombre d’artistes, le mur de Houston Street a vu défiler les plus grand talents de l’art urbain : Os GêmeosShepard FaireyKenny Scharf,Irak, ou encore JR ou Barry McGee et plus récemment les jumeaux résidents new-yorkais How & Nosm).

Comment une marque s’inspire de l’Art urbain? 

Les marques se sont toujours tournées vers la rue pour s’inspirer et communiquer les jeunes, dans le même temps, les tendances de la rue ont également adopté certaines marques comme emblême de leur mouvement. Fin des années 80 avec le mouvement hip-hop, les marques de sport ont dominé le paysage urbain de la mode – Run DMC étaient pratiquement parrainé par Adidas. Mais plus récemment, les marques ont compris que l’art de la subtilité et de la découverte de soi est plus gratifiant pour les consommateurs 2.0 qu’un message publicitaire ou des références sufureuses. À l’ère de YouTube, Twitter et des blogs la culture underground a gagné plus d’attrait et de visibilité que jamais. Et l’Art urbain, avec ses nuances rebelles, une histoire relationnelle compliquée avec la loi et sa capacité émotionnelle, est parfaite pour surfer sur cette tendance.

Fede, membre du collectif street art  « Run Don’t Walk » souligne que de plus en plus de marques utilisent le graffiti comme outil marketing: «Il arrive souvent, qu’un mouvement, si c’est de l’art ou de musique, apporte quelque chose de frais, nouveau et original, que les marques veulent l’utiliser. Il nous fait remarquer que dans la publicité et le design graphique le style et les techniques de graffiti sont souvent imités et ce depuis de nombreuses années.

Aujourd’hui de nombreuses marques et produits sont commercialisés via une image de marque inspirée de l’art du graffiti: de la voiture au yaourt en passant par les meubles, tous s’efforcent de s’adapter à la culture urbaine moderne. Sans oublier, les supports de communication ou d’affichage toujours plus vastes et proposant des interactions les uns avec les autre, propices au développement d’une approche artistique plus complète et moins stéréotypée.

Pourquoi les marques se tournent vers l’Art urbain ?

Le concept de «Street-art» est extrêmement opaque. Tout, depuis le design d’une bouteille à la projection 3D ou la dégradations ou le détournement des messages des panneaux d’affichage ont remodelé la simple action de l’art du graffiti. Son influence sur les marques est devenu aujourd’hui omniprésente.

Selon « The Journal of Advertising »: l’Art urbain produit le même effet visuel et cognitif que la publicité commerciale, mais par contre, il véhicule des messages de plaisir, une critique idéologique, et l’exhortation activiste plutôt que de focaliser sur l’appel à l’action à une consommation commerciale impulsive.

Au fil des années, le public s’est également lassé de la vulgarisation faite par les publicitaires de la vie privée dans leurs messages commerciaux classiques. Par contre, le public reste sensible à la créativité, l’ouverture d’esprit et l’attraction artistique proposés par l’Art urbain.

En s’appropriant ce mouvement artistique, les annonceurs et les marques font la promotion de leurs produits sous le couvert d’œuvres d’art public-produits avec un haut niveau émotionnel. En outre, ce mouvement artistique  associé historiquement à une conduite illégale, ajoute au sentiment d’intrigue et de mystère derrière le message.

Du point de vue d’une marque qui cherche à créer un lien rapide avec une audience urbaine et locale d’une manière non-envahissante, mais efficace, l’Art urbain est une stratégie intéressante à condition d’en faire un usage porteur de sens et qui respecte l’aspect artistique. Comme l’a relevé dans sa rubrique économique The Atlantic: «Personne n’aime à penser qu’il est peut être facilement influencé: la subtilité est la clé». 

Nick Pope qui travaille dans le marketing numérique a précédemment travaillé sur des campagnes de graffitis. Il nous explique que, d’un point de vue publicitaire, le graffiti est attrayant «lorsque les entreprises cherchent des façons créatives de communiquer avec les gens et leur marque à travers l’environnement urbain.» L’Art urbain projète une image de la marque tendance, funky et cool, et démontre ainsi qu’elle est créative.

Cette tendance a atteint un nouveau niveau quand Barack Obama a commandé à Shepard Fairey, un artiste qui cumule 14 arrestations pour graffitis illégaux, de concevoir son affiche officielle de campagne. L’énorme succès de l’exposition d’art de graffiti de la Helenbeck Gallery à Chelsea et la rétrospective de l’art du graffiti de la Fondation Cartier sont eux aussi des preuves de la reconnaissance du public pour cet art urbain contemporain.

L’Art urbain et la publicité sont-elles compatibles?

Certaines marques consciente du galvaudage actuel à tout va de l’Art urbain, ont décidé de s’impliquer dans la préservation et la mise en avant de cet environnement artistique. En place d’utiliser le graffiti comme seul argument de vente, ils mettent sur pied des événement pour soutenir les divers associations artistiques. Puma, Red Bull et Coca Cola ont organisé des événements, expositions locales avec des artistes. Ces trois marques louent également des espaces et y invite des artiste à venir peindre. «Ils poussent leur produit en étant relié ou lié à ce mouvement artistique. Certes, ils soutiennent les artistes, mais ils obtiennent aussi quelque chose en retour», explique Fede.

Quant à l’artiste de rue Martín Varbaro, il reconnaît le bénéfice en terme de visibilité d’être associé avec des marques: «c’est important pour un artiste que les gens puissent voir votre travail, c’est une forme de promotion excellente. Par exemple, 20’000 personnes viennent  assister au Festival d’art urbain Puma».

QUELQUES EXEMPLES ACTUELS DE MARQUES EN VUE

Le Puma Urban Arts Festival de Buenos Aires début mars 2013
Pour les jeunes de la ville: découvrir gratuitement l’art urbain local, des documentaires et des forums avec des artistes urbains internationaux, sur fond de musique live de groupes actuels et indies.
Pour la marque Puma: cette affiliation avec la scène urbaine est évidemment une source de grande fierté, une brochure promotionnelle remémore avec nostalgie la fin des années 1960, lorsque la marque était associée avec les groupes b-boys, breakdance des rues de New York qui tous portaient les emblématiques chaussures en daim Puma. Mais aujourd’hui, le slogan de l’événement affirme: les artistes sont le devant de la scène sur la marque.

La marque Converse a lancé en 2011 un projet intéressant et innovant baptisé «mur à mur» qui célèbre l’Art urbain à travers l’Europe et les États-Unis. De jeunes artistes ont été invités à transformer les murs de grandes ville en œuvres d’art: Barcelone, New York, Chicago, ainsi que Lyon, Naples et la dernière, Portland. Bien que Converse se positionne en tant que marque de chaussures « de monsieur tout le monde», elle s’adresse à une cible pour laquelle il est important d’être différent et original. Bien illustré par l’histoire de la marque, son soutien à la scène de l’Art urbain renforce son image de « rebelle » au sein de son groupe cible. Les séries artistiques comme le projet «mur à mur» sont un excellent moyen pour faire connaître la marque tout en restant fidèle à son univers  et à son public cible principal. Jetez un oeil sur l’oeuvre Couleurs de Steven Burke à Lyon, France!

Partenaire de longue date de l’Art urbain, Red Bull, a récemment lancé « Red Bull Street Art View». Le concept est d’utiliser Google Street View pour mettre en valeur l’Art urbain dans le monde entier. L’idée est participative: vous êtes  invités à taguer votre oeuvre urbaine favorite et partager votre choix avec vos amis. Vous participez ainsi à la construction d’une collection mondiale d’Art urbain.

A l’occasion de la Semaine du Design de Milan 2012, IKEA a réinterprété ses annonces et ses affiches en s’inspirant du style artistique de Banksy à coup de pochoir noir et blanc collés le long des murs du métro de Milan. Une manière pour la marque de réaffirmer sa philosophie : « People bring Design to Life ».
Ces affiches ont créé un spectacle visuel sympathique et attractif pour les usagers du métro consigné dans un espace lugubre de transit.

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L’artiste Otis Frizzell a été mandaté par la Police de Nouvelle-Zélande pour développer et de peindre des pochoirs pour promouvoir une campagne de recrutement de nouveaux agents de police. Ces affiches urbaines peu orthodoxes ont été affichées à Auckland, Wellington et Christchurch mais ont également attiré une bonne partie de l’attention à l’étranger, notamment en Amérique.

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La marque Reebok a fait appel au mythique graffiti artist new-yorkais Stash pour constituer une équipe de douze graffeurs internationaux, chacun représentant une ville, en vue de créer une collection capsule remettant au goût du jour sa fameuse paire de sneakers. Disponible dès juillet 2013, la City Classics Collection réunit les artistes Wane (New York), Eklips (Los Angeles), Pose (Chicago), Mad (Philadelphie), Tati (Miami), Totem (Atlanta), DA Flow (Mexico), Sick Systems (Moscou), Rae Martini (Milan), Rimo (Tokyo), Monster (Paris) et Swifty (Londres).

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